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Classée parmi les dernières écoles du (questionnable) palmarès des écoles que publie chaque année le magazine L’Actualité, située bien à l’abri des regards inquisiteurs qui déambulent rue Montarville, l’école de la Rabastalière n’a rien du clinquant qui caractérise les premières de classe telles que Brébeuf ou Jean-Eudes. Les élèves qui s’y retrouvent sont souvent en difficulté et peinent à trouver leur chemin. Ce que leur offre l’école de la Rabastalière, c’est bien plus qu’une position dans un classement, c’est un passeport pour une vie meilleure.

Parmi les 350 jeunes, âgés de 16 à 18 ans, qui fréquentent le centre de services alternatifs de la Rabastalière, plusieurs présentent des problèmes de comportement, des problèmes scolaires, parfois même des problèmes de toxicomanie. Trop souvent élevés dans une culture de l’échec, ces jeunes peinent à trouver leur voie et à retrouver leur estime d’eux.

« On a du pain sur la planche pour motiver les jeunes, admet Éric Carufel, directeur de l’école de la Rabastalière. On doit beaucoup travailler sur leur estime d’eux parce que ces jeunes ont régulièrement été en échec, ce qui signifie qu’on doit changer leur schème de référence pour qu’il se tourne vers la réussite. Une des façons qu’on utilise pour réussir, c’est d’organiser plusieurs activités à l’école pour que les jeunes y développent un sentiment d’appartenance. Ce midi, par exemple (jour de l’Halloween), j’entendais les jeunes s’amuser. C’est plutôt rare qu’on entende ça ici. »

Offrant les mêmes cours que dans les écoles secondaires dites régulières, « rien n’est à rabais ici », indique à ce propos M. Carufel, mais dans une structure plus flexible (deux sessions par année, des examens terminaux pouvant être faits à tout moment, etc.), d’aucun serait porté à se demander pourquoi des enseignants voudraient se retrouver dans un contexte aussi difficile.

« On a 20 enseignants du régulier chez nous, précise Éric Carufel. Ce sont des enseignants qui ont la vocation, ici, on ne peut pas passer à côté. Quand on entre dans cette école, on l’épouse ou on ne l’épouse pas. Les professeurs qui sont ici y croient. »

Lui-même dans le réseau des services alternatifs depuis 22 ans, M. Carufel parle d’ailleurs avec une conviction qui impressionne de sa passion pour le travail auprès des jeunes en difficulté. « Je crois beaucoup plus à ces jeunes qu’à ceux qui sortent du privé, je crois à leur authenticité. Notre école respire la vérité et l’authenticité. Les jeunes qui sont en adaptation scolaire, s’ils t’aiment, ils te le disent, s’ils ne t’aiment pas aussi. À partir de ce moment, on peut travailler ensemble. Ces jeunes sont criants de douleur et nous demandent de les aider à trouver leur chemin. C’est à nous de leur apprendre. La matière est souvent un prétexte, c’est la vie qu’on leur enseigne. »


Des jeunes qui n’en sont plus vraiment


Les jeunes qui arrivent à l’école de la Rabastalière ont beau n’avoir que 16, 17 ou 18 ans, ce sont des adultes que voient les intervenants du centre de services alternatifs.

« Les jeunes pourraient travailler demain matin s’ils le voulaient, certains vont voter aux prochaines élections, mon stationnement est plein de voitures et non pas de scouteurs, ce sont des adultes qui viennent chez nous, souligne le directeur de l’établissement, Éric Carufel. On utilise donc une approche adulte, on essaie de les sortir de leur monde jeune en leur montrant ce qu’est la vraie vie. Il arrive que des jeunes réagissent mal quand on leur refuse quelque chose parce qu’ils ne sont pas habitués, mais notre objectif demeure. On veut les considérer comme des adultes et les orienter. »

L’orientation n’est d’ailleurs pas une mince tâche. Selon M. Carufel, 90% des élèves qui entrent à l’école de la Rabastalière ne savent pas ce qu’ils veulent faire de leur vie. Pourtant, deux ans plus tard, la majorité des élèves ressortent de l’école avec les préalables requis pour s’inscrire au DEP (diplôme d’études professionnelles) ou avec leur DES (diplôme d’études secondaires).

Malgré un taux de succès intéressant, l’école de la Rabastalière traîne toujours en queue de peloton dans le palmarès des écoles secondaires publié par L’Actualité. Un résultat qui ne semble cependant pas affecter outre mesure le personnel ou les élèves de l’école.

« Les enseignants sont très conscients des critères qui sont utilisés pour bâtir le palmarès, estime Éric Carufel. Ils savent que le palmarès ne les représente pas, que l’objectif de l’école, ce n’est pas une position dans un palmarès, mais c’est de trouver ce qu’on peut donner aux élèves pour les aider. Il ne semble pas y avoir d’impact non plus sur les élèves qui fréquentent présentement notre établissement, mais il se pourrait que ce soit différent pour des élèves qui pourraient venir ici dans les prochaines années et qui pourraient se décourager de se retrouver dans une école classée parmi les dernières. Mais quand on regarde la particularité de notre clientèle versus les écoles qui sélectionnent leurs élèves, on voit bien que c’est deux poids, deux mesures. »

Alors, pendant que les écoles qui se sont vues désignées premières de classe se réjouissent de la performance de leurs élèves cette année, les membres du personnel de l’école de la Rabastalière et leurs élèves se concentrent sur la prochaine journée de classe, en sachant pertinemment qu’elle leur apportera joies et peines, en plus de la fierté d’avoir traversé un autre jour et de s’être rapprochés un peu plus d’une vie qu’ils souhaitent leur.

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